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Pourquoi fallait-il que la BCE relève ses taux ?
information fournie par Le Cercle des économistes 09/05/2023 à 08:26

Philippe Trainar
Philippe Trainar

Philippe Trainar

CNAM

professeur titulaire de la chaire assurance

https://lecercledeseconomistes.fr/

Le siège de la BCE à Francfort. (Crédits photo : BCE)

Le siège de la BCE à Francfort. (Crédits photo : BCE)

La lutte contre la hausse des prix est loin d'être terminée. L'inflation s'installe et les Banques centrales sont à la manœuvre pour éviter toute dérive. Philippe Trainar explique pourquoi, à ses yeux, l'arme de la hausse des taux va continuer de s'imposer

De nombreux experts appelaient de leurs vœux une pause dans la hausse des taux d'intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE). Ils avançaient pour cela quatre arguments : les reculs récents de l'inflation en zone euro, les pertes de pouvoir d'achat des salaires, le resserrement significatif des conditions de crédit et l'épisode de stress bancaire actuel avec les risques de contagion qu'il comporte, la quasi-stagnation de l'activité au premier trimestre.

Une inflation sous-jacente étonnament résiliente

A y regarder de plus près, aucun de ces arguments ne nous permettait de conclure que l'inflation était en passe d'être maîtrisée : la quasi-stagnation de l'activité est plutôt un signe de résilience, y compris de l'inflation, sachant que les experts s'attendaient à un recul ; les banques de la zone euro n'ont guère besoin de soutien de la politique monétaire sachant qu'elles sont plus sûres que les banques moyennes américaines dont les soucis actuels révèlent un trou béant dans la régulation américaine, inexistant en Europe ; en outre, pour traiter les risques de panique bancaire, si stress il y a, la BCE dispose d'un instrument plus efficace que son taux de refinancement : le «quantitative easing» ; quant au resserrement des conditions de crédit, il ne présente rien de nouveau et se situe dans le prolongement du trimestre précédent ; les pertes de pouvoir d'achat des salaires sont surtout cohérentes avec le recul de la productivité horaire du travail et révèlent un niveau d'indexation, certes partiel, mais excessif par rapport l'objectif d'inflation de 2% ; l'inflation recule mais l'inflation sous-jacente reste étonnement résiliente, à un niveau trois fois plus élevé que cet objectif !

Difficile de dire que les conditions d'une hausse des taux n'étaient pas réunies. La BCE devait donc continuer à relever ses taux, ce qu'elle a fait mais en ralentissant son rythme de hausse de 50 à 25 points de base, signalant par là-même sa volonté de naviguer au plus près de la conjoncture. Il serait excessif de l'interpréter comme un signal d'une pause à venir. La bataille contre l'inflation est très loin d'être gagnée. Et, comment pourrait-elle l'être avec des taux d'intérêt réels de la BCE négatifs ou, au mieux, marginalement positifs selon que l'on utilise l'inflation courante ou l'inflation anticipée… quand ceux de la Federal Reserve sont largement positifs, supérieurs de 200 à 250 points de base à ceux de la BCE ?

Sachant que les économistes considèrent que le taux réel monétaire neutre, qui stabilise l'inflation, se situe au sein de la zone Euro environ 100 points de base au-dessous des Etats-Unis, on peut conjecturer que, sauf accident de parcours, il reste encore a minima 100 à 150 points de base de hausse des taux à décider par la BCE dans les mois à venir, ce qui correspond approximativement aux anticipations actuelles des marchés financiers. Et, on ne peut exclure qu'il en faille plus, en fonction de la résilience de l'inflation et de ce que fera la Federal Reserve.

L'origine budgétaire de l'inflation

Cette résilience pourrait néanmoins conduire à s'interroger sur la capacité des banques centrales à ramener l'inflation à 2%. Certains experts font valoir qu'elle s'expliquerait par la pression des profits et des marges, hors du contrôle des banquiers centraux. Toutefois, on ne voit pas de signes tangibles de cette pression au sein de la zone euro, ni au niveau du partage de la valeur ajoutée qui a retrouvé son niveau d'avant le COVID, ni au niveau de la décomposition des prix unitaires.

Plus sérieux est l'argument de l'origine budgétaire de l'inflation : l'inflation correspondrait à une réaction rationnelle du marché face à la dérive effective des dettes publiques qui fleurtent avec le risque d'«insoutenabilité» et qu'un niveau d'inflation plus élevé rend soutenable «ex ante» dans les anticipations du marché. Dans cette hypothèse, les banques centrales perdraient plus ou moins le contrôle de l'inflation… d'où l'importance de reprendre très vite en main nos finances publiques, notamment en France où la dégradation de la notation de notre dette publique par l'agence Fitch pointe un problème de soutenabilité... à traiter tant qu'il est encore temps.

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